• Note de mise en scène

    Un roi se bouche les oreilles pour ne plus entendre les aboiements exaspérants de ses chiens qui s'acharnent à lui rappeler que son épouse est à l'agonie. Lorsque l'angoisse atteint son point culminant, le monarque appelle son bouffon et l'oblige à le faire rire. Folial s'y efforce, mais le coeur n'y est pas.
    Devant la menace d'être livré au bourreau, il finit par proposer une «farce», (couronner un innocent pour le plaisir de le découronner une fois qu'il est imbu de sa gloire illusoire). Le roi feint d'avoir apprécié le jeu et en propose un à son tour. Il affuble Folial de ses vêtements royaux, pendant que lui-même se coiffe du bonnet de fou. C'est à la faveur de ce changement de costumes que la vérité éclate.
    Le roi dévoile combien il a souffert de voir son épouse dans les bras de son bouffon et il révèle qu'elle meurt empoisonnée. Il s'empresse d'ajouter que «la farce est finie» et qu'il est temps que chacun reprenne son identité. Folial refuse de rendre la couronne. A ce moment, le moine annonce que la reine est morte. Profitant du désarroi de Folial, le roi reprend ses attributs et appelle le bourreau. «Après la farce, la tragédie....» L'homme rouge fait son devoir et le roi éclate de rire hystériquement.

    En accordant la victoire finale au roi, Michel De Ghelderode, suggère, sans y applaudir pour autant, que dans une société inhumaine il y a peu de place pour l'homme rêveur et sensible, qui sera toujours écrasé par celui qui ne confond pas le réel et l'imaginaire. Folial est trop sensible, sincère pour ne pas mêler les deux, il se révèle incapable de rester sur le plan du jeu. Le roi est « grand acteur » parce qu'il ne confond pas les deux pôles de l'existence.
    C'est dans la construction d'un théâtre de marionnettes à gaine, que se règle la mise en scène de ce drame.

    Deux acteurs-marionnettistes l'un muni d'une poupée-roi (le sceptre pour le roi), l'autre muni d'une poupée-bouffon (la marotte pour Folial) dialoguent «sur» leur rôle respectif en castelet et hors castelet (où le rideau de ce castelet, d'une longueur et largeur suffisantes : un velours rouge vieilli par le temps, sert de traîne au roi).
    Ces acteurs sont amenés à jouer tous les rôles. Aucune adaptation du texte de cette pièce de théâtre Escurial n’est opérée. Elle est servie dans son intégralité. La mise en scène prévoit des sons-bruitages et certains plans musicaux, des effets-lumière adaptés aux différentes scènes.

    La pièce de théâtre Escurial, se prête au jeu-marionnettique-support à une nouvelle exploration poétique et angoissée de l'identité humaine et des rapports entre le rêve et la réalité. C'est aussi une nouvelle exploration : une recherche sur le jeu de l'acteur-marionnettiste face à son double.

    Christian Remer